Jo Bouquine

• Editions du Seuil
• Sortie le 15 mars 2024
• 176 pages
• Témoignage, humour

Synopsis : C’est l’histoire d’une blague qui commence sur France Inter et finit à la police judiciaire, en passant par CNews et l’Assemblée nationale. C’est l’histoire d’un clown pris dans la tourmente d’une polémique sans fin, entre insultes, menaces et pressions absurdes. C’est l’histoire du lien entre notre époque et la pratique humoristique, à mi-chemin entre rire et sport de combat. Dans ce journal de bord d’une tempête médiatique, Guillaume Meurice raconte comment les polémiques se fabriquent et se défont. Un texte, drôle et inquiétant, sur l’humour politique.

Mon avis : Avec Guillaume Meurice, je savais déjà à quoi m’attendre : un humour qui pique, une lucidité qui gratte, et cette façon bien à lui de transformer l’actualité en satire presque chirurgicale. Mais ce court texte m’a prise un peu de biais. Oui, j’ai ri, parfois franchement. Oui, j’ai retrouvé la voix que j’aime tant dans ses chroniques. Mais j’ai aussi refermé le livre avec une boule au ventre, ce mélange de malaise et de clairvoyance qu’on ressent quand la politique et les médias deviennent un terrain de jeu où plus personne ne semble tenir le gouvernail.

Ce qu’il raconte de la polémique qui l’a touché est à la fois absurde, édifiant et tristement révélateur. Il résume lui-même le grand cirque médiatique avec une phrase qui claque presque comme un soupir :

« Des dizaines d’articles, d’heures d’antenne, de débats, de palabres, d’invectives, pour une simple blague. Qu’est-ce que cela dit du sens des priorités des rédactions? »

Difficile de mieux dire. Et impossible de ne pas hausser les sourcils face à ce décalage abyssal entre une blague et les tempêtes qu’elle a déclenchées.

Ce qui m’a particulièrement touchée, c’est l’envers du décor. Derrière le rire, il y a le quotidien, plus lourd, plus fragile, presque banal dans sa violence.

« Avant de me coucher, je rallume une dernière fois mon portable. Menaces. Insultes. Insultes. Menaces. Des proches s’inquiètent. Je les rassure. Un autre journaliste du Figaro m’envoie à son tour un message de soutien. Je vais peut-être bien m’abonner. C’est toujours utile pour éplucher les patates. »

On retrouve là toute sa force : l’autodérision pour ne pas sombrer, l’humour comme bouclier contre la haine qui déborde. Et en filigrane, l’impact humain de ces polémiques où chacun croit pouvoir donner des leçons depuis son canapé.

Et puis il y a ce troisième extrait, celui qui m’a vraiment arrêtée dans ma lecture. Parce qu’il dit quelque chose de plus profond, de plus inquiétant :

« Un procureur a donc décidé d’enquêter sur mon cas personnel. Il semble y avoir urgence vu la célérité de la rédaction. Je dois représenter un danger pour la République, davantage que tous les politiques corrompus. Je conseille aux femmes victimes de violences conjugales de dire que leur conjoint à fait une blague sur Netanyahu. Il devrait être entendu par la police plus rapidement. »

C’est mordant, évidemment. Mais c’est surtout glaçant. Ce passage concentre la dérive institutionnelle, les priorités tordues, les absurdités d’un système qui ne sait plus où regarder.

Alors oui, j’ai ri. Beaucoup. J’ai savouré son ton, sa manière de tout désamorcer avec une phrase qui tranche comme un couteau. Mais j’ai aussi refermé ce livre avec une vraie inquiétude quant à ce que nous sommes en train de devenir. Ce mélange d’amertume et de lucidité reste longtemps après la dernière page.

Et pourtant, malgré tout ça, ce texte m’a redonné un peu de souffle. Parce qu’il existe encore des voix comme celle de Meurice, des voix qui refusent de se taire, qui continuent de poser les bonnes questions, qui ne se laissent pas écraser par le bruit ambiant. Des voix qui, par leur humour autant que par leur courage, nous rappellent que tout n’est pas perdu.

Un livre qui fait rire, réfléchir, grincer des dents et parfois serrer les poings. bref, un livre nécessaire.

Ma note : 4/5

Et pour celles et ceux qui ne l’ont pas entendue, voilà la fameuse blague (2 secondes tirée d’une chronique de 4 minutes) :