
À l’approche de la fin de l’année, les bilans de lecture envahissent les blogs et les réseaux sociaux. Nombres de livres lus, total de pages dévorées, challenges relevés, piles à lire qui n’ont cessé de grandir, liste d’achats plus ou moins raisonnables… Tout y passe. Pour certaines lectrices, ce moment est attendu avec enthousiasme, presque comme un rituel rassurant. Pour d’autres, il provoque un léger malaise, voire une vraie lassitude. Les bilans de lecture divisent et c’est sans doute parce qu’ils touchent à quelque chose de très intime : notre rapport personnel à la lecture.
Faire un bilan, ce n’est pas seulement aligner des chiffres. C’est aussi, volontairement ou non, poser un regard sur une année entière de lectures, avec ce qu’elle raconte de nos envies, de notre disponibilité mentale, de nos périodes de creux ou d’enthousiasme. Et selon la manière dont on aborde cet exercice, il peut être source de satisfaction… ou de frustration.

Ce que les bilans de lecture ont de positif
Lorsqu’ils sont abordés sans pression, les bilans peuvent avant tout être un outil de prise de conscience. On oublie souvent ce que l’on a lu au fil des mois, happée par le quotidien, les obligations, les périodes où lire était facile et celles où cela l’était beaucoup moins. Revenir sur une année de lecture permet alors de mesurer une pratique qui, par nature, est silencieuse et discrète. On se rend compte que, même sans avoir l’impression d’avoir beaucoup lu, les livres ont pourtant accompagné l’année, parfois de manière plus présente qu’on ne le pensait.
Le bilan peut aussi être étonnamment motivant. Voir apparaître noir sur blanc les livres terminés, les genres explorés, les auteurs découverts, donne parfois envie de poursuivre sur cette lancée ou, au contraire, de renouer avec la lecture après une période plus creuse. Dans ce cas-là, le bilan n’est pas une conclusion mais un point d’appui pour la suite, une façon douce de se projeter vers l’année suivante sans se fixer d’objectifs irréalistes.
C’est également un moyen de mieux se connaître en tant que lectrice. Certaines tendances apparaissent clairement une fois l’année terminée : un attrait particulier pour un genre précis, une difficulté à terminer certains types de romans, des périodes où la concentration faisait défaut ou, au contraire, des moments où la lecture prenait une place centrale. Ces observations ne servent pas à se juger mais à comprendre ce qui fonctionne réellement pour soi, loin des injonctions et des listes idéales.
Enfin, partager un bilan peut créer du lien. Se reconnaître dans les lectures des autres, découvrir des titres auxquels on n’aurait pas pensé, réaliser que l’on est pas seule à abandonner des livres ou à traverser des pannes de lecture. Tout cela contribue à une forme de communauté bienveillante où la lecture redevient un plaisir partagé plutôt qu’un exercice solitaire.

Ce que les bilans de lecture provoquent de négatif
À l’inverse, les bilans peuvent rapidement glisser vers une logique de performance. Lorsque le nombre de livres lus devient l’indicateur principal, voir le seul, la lecture risque de perdre ce qui fait sa richesse. On peut alors se surprendre à lire plus vite, à choisir des livres courts ou faciles uniquement pour « faire monter le compteur » et à ressentir une forme de pression là où il ne devrait y avoir que du plaisir.
La comparaison est un autre écueil fréquent. Voir des bilans affichant des dizaines, voir des centaines de livres lus peut donner l’impression de ne pas être à la hauteur, surtout lorsque l’on traverse une année chargée, émotionnellement difficile ou simplement très prenante. Cette comparaison oublie pourtant une réalité essentielle : nous n’avons ni les mêmes rythmes de vie, ni les mêmes disponibilités, ni les mêmes besoins en matière de lecture. Comparer des chiffres sans tenir compte de ces différences n’a finalement que peu de sens.
Pour certaines lectrices, le bilan peut aussi renforcer un sentiment d’échec. Ne pas avoir atteint un objectif fixé en début d’année, avoir lu moins que prévu ou ne pas être allée au bout de certains challenges peut laisser un goût amer, comme si la lecture devenait un domaine de plus où l’on « n’a pas fait assez ». Or, la lecture n’est ni une obligation, ni une compétence à valider. Lire peu, lire lentement, relire les mêmes livres ou même lire par intermittence fait pleinement partie de l’expérience de lectrice.
Enfin, à force de chiffres, de tableaux et de statistiques, le bilan peut parfois réduire la lecture à quelque chose de très mécanique, en laissant peu de place à l’émotion. Pourtant, certains livres marquent une année entière sans pour autant faire gonfler un total impressionnant. Ce sont parfois ces lectures-là, discrètes mais essentielles, qui comptent le plus.

Trouver son propre rapport au bilan
Face à tout cela, il n’existe pas de bonne ou de mauvaise manière d’aborder un bilan de lecture. Certaines lectrices y trouvent un réel plaisir, d’autres préfèrent s’en passer complètement et les deux approches sont parfaitement légitimes. La question n’est donc pas de savoir s’il faut faire un bilan, mais plutôt ce que l’on attend de cet exercice.
Est-ce un outil pour garder une trace de ses lectures? Une source de motivation? Un simple jeu de fin d’année? Ou au contraire une contrainte inutile? Prendre le temps de se poser ces questions permet de décider en conscience, sans subir les tendances du moment ni les habitudes des autres.

En conclusion
Les bilans ne sont ni intrinsèquement bénéfiques, ni fondamentalement néfastes. Ils deviennent ce que l’on en fait. Lorsqu’ils servent à se souvenir, à comprendre son rapport à la lecture et à se faire plaisir, ils peuvent être enrichissants. Lorsqu’ils deviennent une source de comparaison ou de pression, il est sans doute temps de prendre du recul.
Et si, finalement, le plus important bilan de l’année ne se résumait pas à un chiffre, mais à une question beaucoup plus simple : est-ce que la lecture m’a fait du bien cette année?

Parlons-en ensemble :
- Est-ce que tu fais un bilan de lecture chaque année ou est-ce un exercice que tu évites?
- Les chiffres (nombres de livres, de pages…) ont-ils de l’importance pour toi ou est-ce totalement secondaires?
- T’est-il déjà arrivé de te comparer aux bilans des autres, et, si oui, avec quel ressenti?
- Et finalement, si tu devais résumer ton année de lecture sans aucun chiffre, que dirais-tu?







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